Je m’interroge de plus en plus sur le fait de savoir s’il y
a vraiment une différence autre que sémantique entre sondage électoral et sondage
rectal. Bien que n’ayant à ce jour subi ni l’un ni l’autre, j’ai quand même l’impression
de me faire régulièrement en…fumer. Appelez-ça de l’homophobie primaire si ça
vous fait plaisir, mais j’apprécie moyennement.
Les sondages sont basés sur un « échantillon représentatif ».
Il y a déjà dans cette simple association de mots une contradiction qui lui
donne valeur d’oxymore, sauf à nier l’existence d’idiosyncrasies aussi nombreuses
et diverses que les individus. Il y a des limites à ce que l’on peut déduire d’un
classement arbitraire des gens en fonction de leur âge, leur sexe, leur
catégorie socioprofessionnelle et leur niveau d’étude. Cela est d’autant plus
vrai que les sujets abordés sont complexes.
Ce qui marche peut-être pour un baril de lessive ne
fonctionne pas pour la politique, par essence compliquée, d’où d’ailleurs la
tentation, plutôt que de se remettre en cause, de transformer, à l’américaine,
les politiques en barils de lessive. Les sondages ne portent jamais sur les
projets ou les concepts qui les sous-tendent, mais sur des éléments isolés
présentés de façon manichéenne (et souvent tendancieuse) de manière à provoquer
des réponses du type : « pour », « contre » ou « sans
opinion ».
Et même quand la question est simple (« pour qui
avez-vous l’intention de voter ? »), il existe outre la boule de
Madame Irma nécessaire à détecter les menteurs et les cachotiers, des
catégories transversales pas nécessairement prises en compte et qui faussent la
représentativité.
Par exemple, un « bobo » qui vient de se faire
enlever son dernier point à cause d’un radar mal placé se comportera-t-il comme
un « bobo » ou comme un « automobiliste » en colère ? Sans
compter qu’il suffit d’un individu suffisamment convaincu et convainquant pour « tourner »
politiquement toute une famille rendant tout découpage sociétal obsolète.
Sous le prétexte, bien pratique d’un point de vue financier,
qu’une enquête effectuée sur 1000 personnes aurait 95 chances sur 100 de donner
le résultat correct à ±3% près (ce qui malgré l’apparence trompeuse de la
formule donne en réalité, si l’on y réfléchit, une probabilité d’erreur
absolument énorme), les échantillons sont parfois ridiculement restreints et l’on
n’hésite pas à interpréter les résultats de fractions de cet échantillon (par
exemple, les 4 personnes sur les 1000 qui représentent les ouvriers de sexe
féminin vivant en zone rurale …).
Les chiffres qui ne veulent déjà pas dire grand-chose et qui, même à titre de simple référence,
ne sont scandaleusement jamais communiqués en l’état (données brutes) sont
alors interprétés et corrigés en fonction de critères aussi divers que secrets
et mystérieux, allant des résultats des sondages précédents au taux d’hygrométrie
ambiant en passant par l’épaisseur du portefeuille du client qu’on a quand même
envie de voir revenir de temps à autre.
On ne peut pas pour autant dire qu’ils ne servent à rien ces
sondages. Ils peuvent exprimer une tendance et il est clair que quelqu’un qui
est à 0% a peu de chance d’être élu et quelqu’un qui serait à 70% peu de chance
d’être battu. A l’intérieur de cette fourchette, tout reste possible.
Une autre de leurs fonctions, plus perverse et qui est à l’origine
des difficultés à m’asseoir que j’évoquais en introduction, est celle de
modeleur d’opinion. Non pas que les gens (pas tous en tout cas) soient bêtes au
point de tomber dans le panneau, mais pour beaucoup d’indécis dont le seul but
est de sortir du bourbier dans lequel on les a mis, il est important de voter
pour quelqu’un qui a des chances d’arriver en bout de course.
Les sondages sont la seule indication dont disposent ces
gens pour savoir qui éliminer pragmatiquement. Pour les autres on peut
logiquement imaginer que leur motivation à aller voter au lieu d’aller à la
pêche sera plus ou moins forte selon que leur candidat sera crédité ou non d’une
avance confortable.
Il est évident que les sondages sont actuellement, sinon
manipulés, en tout cas orientés, pour favoriser un duel classique droite/gauche
et tenter de diminuer la crédibilité du vote Marine Le Pen en tant qu’alternative
crédible.
Le problème pour les « sondipulateurs » c’est qu’ils
ont ouvert les vannes en grand pour Marine Le Pen quand elle représentait l’adversaire
idéale face à un DSK prématurément adoubé par l’oligarchie financière. Ce
faisant ils ont permis aux partisans de la présidente du FN de se compter et de
réaliser qu’ils pouvaient changer les choses. Sa candidature devenant crédible, son message a
été écouté par toute une frange de la population laquelle, peut-être pour partie réticente au début par principe conditionné et ignorance du sujet, a certainement été surprise du bon sens des mesures
proposées et par la cohérence du projet. Beaucoup ayant enfin compris que « le
roi est nu », il est désormais inconcevable au second tour d’assister à
nouveau à ce pitoyable défilé de dindons de la farce
avec une pince à linge sur le nez lequel, pour l’anecdote, a été le déclencheur
de mon premier vote au FN.
Du coup, tenter de faire rentrer « le diable »
dans sa boîte par le biais d’une « stagnation » dans les sondages ou
d’une mélenchonite aigüe ça risque d’être une autre histoire, surtout en
créditant Sarkozy d’un pourcentage d’intentions de vote qui ne peut trouver sa
justification que dans une improbable lobotomie collective de l’électorat.
On peut aussi malheureusement y voir la volonté de préparer
l’opinion et la rendre moins suspicieuse vis-à-vis d’éventuelles fraudes
électorales d’ores et déjà programmées. Ce n’est peut-être pas simplement par
esprit de rétorsion que Vladimir Poutine a demandé l’envoi d’observateurs de l’OSCE
pour surveiller les élections en France.
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