Je viens d’assister à un pot de départ de
collègues fonctionnaires. A la fin de ce pot, rassemblés par petits groupes
conversationnels tournants, nombre de participants se sont mis à surenchérir
sur le thème « il ne faut pas qu’une voix manque ! », «moi je
devais partir en vacances, mais je retarde jusqu’aux élections», « on
croise les doigts », « le score de l’extrême droite est inquiétant,
ils vont se reporter sur Sarkozy »…
Bref j’ai réalisé que je bossais peu ou prou dans une annexe
du parti socialiste. Un peu ce que j’avais éprouvé lors de mon passage, il y a
fort fort longtemps, au Grand Orient de France. Ça fait mal de réaliser qu’après
tout ce temps rien n’a changé et que la majorité n’a rien compris. Non que je
sois naïf, mais le savoir c’est une chose, le vivre c’en est une autre.
Le plus douloureux a été quand, n’y tenant plus, j’ai
annoncé à une collègue qui me croyait du même bord qu’elle (et que par ailleurs
j’aime beaucoup et que je tiens en haute estime) que j’avais voté Marine Le Pen
et que je resterai tranquillement à la maison le jour du vote.
Sa réaction m’a sidéré : elle répétait en mode
semi-automatique « Non, pas toi… »
Ensuite j’ai eu droit à tous les poncifs en chapelet : « Le
Pen égale Hitler, c’est l’extrême droite, la dictature, pourtant tu n’es pas
raciste, le FN c’est le parti de la haine, son programme ne peut pas marcher, c’est
du populisme… »
J’ai essayé de lui expliquer sommairement en quoi sa vision
était à l’opposé de la réalité, en quoi le programme politique de Marine Le Pen
était cohérent et sensé et qu’au pire entre un échec potentiel et un échec
certain (rester dans le système actuel et aller droit au mur), j’avais préféré
l’échec potentiel.
J’ai également fait valoir que le grand écart de Hollande
qui pourfend les marchés financiers en France et se fait adouber par ces
derniers à Londres ne présage rien de bon et qu’elle devait se préparer à être sacrément déçue à
très courte échéance.
Ce faisant, je me suis rappelé que j’étais beaucoup plus
heureux quand je croyais encore au Père Noël et qu’une fois qu’on a commencé à
comprendre comment fonctionne le Monde, il n’y a plus de retour possible. J’ai
donc arrêté là car c’est une personne intelligente et tout à fait capable de
réaliser ce qui se passe vraiment mais je ne suis pas sûr qu’elle soit prête
psychologiquement.
Je l’ai laissée, visiblement dans un état de choc, avec un
peu de mauvaise conscience de ne pas avoir su tenir ma langue.
Je dois faire amende honorable car cette anecdote m’a fait
réaliser que je suis tombé dans le piège de la généralisation. C’est facile de
dire comme je l’ai déjà fait que ceux qui s’apprêtent à voter Hollande sont des
crétins lobotomisés qui n’ont rien compris au film tant qu’ils ne sont qu’un
concept par définition intangible, mais là j’avais devant moi une personne que
je connaissais et que j’estimais, intelligente et attachante qu’il ne me serait
jamais venu à l’esprit d’insulter. Bref si l’on n’y prend garde on tombe vite
dans les travers qu’on reproche aux autres.
Ceci dit, le seul argument que j’ai entendu au fil des
conversations qui se tenaient de-ci de-là c’était : « il faut virer Sarko ! ».
Je suppose que dans l’autre camp l’argument c’est : « Il faut barrer la
route à la gauche! ». Les deux candidats n’ayant pas de véritable programme
et aucun ne proposant la rupture avec
les politiques menées jusqu’à ce jour, on en arrive à la négation du
principe même de l’élection qui est de voter « POUR » un candidat et non
pas « CONTRE » un autre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire